Au fil des pages de Sunshine Terrace, c’est d’abord une domesticité étrange et
décalée qui nous frappe. Ce sont les yeux rouges d’un portail de garage, un
arbre tordu poussant sur des lits de graviers dispa- rates, des caddies
abandonnés, une étrange décoration triangulaire, comme un semblant de carte ima-
ginaire qu’il est impossible de lire. Ce sont les signes à déchiffrer d’une zone
résidentielle délibérément vidée, dont la présence humaine reste insaisissable,
mais dont on reconnaît les marqueurs inévitables : les surfaces en stuc et en
asphalte, les clôtures et les carrosseries en grillage, les éclats de verdure
aussi. Tournant son objectif vers son propre quartier, perché entre les étendues
de Los Angeles et de la vallée de San Fernando, Emily Shur adopte la figure de
la photographe ambulante et concentre son regard sur ce lieu familier dans
lequel elle cadre avec précision les surfaces, les couleurs et la lumière, fai-
sant preuve d’un véritable plaisir de composition, où les formes se répondent
avec un humour discret. Sunshine Terrace est le portrait d’un lieu vu à travers
un regard légèrement incliné, légèrement détourné, se délectant des détails et
des bizarreries rencontrés au cours d’une navigation faisant la part belle à la
sérendipité.
