Remember Me Like This

Tout le monde porte en soi le désir de se souvenir et d’être rappelé. Dans Remember Me Like This, Rachel M. Liu se tourne vers les archives photographiques de sa famille pour examiner comment la mémoire est façonnée, mise en scène et réinventée à travers l’image photographique. En tant qu’artiste multidisciplinaire travaillant dans les domaines de la photographie, des procédés alternatifs et des techniques mixtes, Liu est depuis longtemps attirée par les contradictions inhérentes au médium photographique, s’intéressant particulièrement à la manière dont les images peuvent être à la fois factuelles et fictives, révélatrices et dissimulatrices, précises et ambiguës. Depuis 2017, elle utilise les archives photographiques de sa propre famille comme source d’inspiration, explorant le terrain délicat entre mémoire, histoire et représentation. La série s’inspire d’une collection de photographies en noir et blanc de la famille proche et élargie de Liu, prises entre les années 1940 et 1970 en Chine. Ces images, composées et apparemment sereines, restent silencieuses face au poids historique qui les entoure. Réimprimées sous forme de tirages argentiques et peintes à la main à l’encre et à la gouache, chaque photographie est retra- vaillée par des gestes physiques. Les visages sont recouverts de motifs en pointillés, les contours sont adoucis ou flous, et les surfaces sont légèrement interrompues. Dans le processus de Liu, les photographies originales commencent à changer de sens. Les membres de la famille deviennent moins reconnaissables, et les images commencent à parler à travers la forme et le geste plutôt que l’identité personnelle. À travers ces interventions superposées, Liu réfléchit à la manière dont la mémoire se construit et à la relation poétique mais instable que la photographie entretient avec la vérité. L’album de famille devient non pas un document d’archives, mais un champ symbolique : un champ qui renferme à la fois l’intimité du regard et l’opacité du souvenir. Remember Me Like This ne cherche pas à présenter une histoire claire. Il crée plutôt un espace où le souvenir est fragmentaire, la présence spectrale et les images familières suggèrent plus qu’elles n’expliquent. Entre les mains de Liu, l’image et la mémoire ne sont pas fixes, mais fluides. L’acte de regarder devient à la fois intime et distant, lié au désir humain permanent de voir et d’être vu.