1986, Erreurs superposées

1986, Erreurs superposées – “Juillet 1986, j’ai deux ans. Sur les rives de la Dordogne, Thierry et Marie-Martine vivent leur dernier été ensemble. Pour des raisons qui resteront mystérieuses, l’amour est fini, et Marie-Martine souhaite la garde exclusive de leur fils. Afin d’oublier, Thierry partira refaire sa vie au loin, à Riyad, en Arabie Saoudite.”

“En 2017, Marie-Martine, la mère de Maël, se laisse emporter par les eaux de la Dordogne. Maël n’a presque pas connu son père biologique, mais décide de lui annoncer la disparation. A la faveur de cette reprise de contact, Thierry lui transmet des photos de l’époque. Parmi le lot, une pellicule malencontreusement doublement exposée. Une première fois à l’été 1986, en Dordogne; une seconde fois, à l’hiver 1987 à Riyad.

1986, Erreurs superposées. Un titre griffonné sur l’enveloppe contenant les négatifs qui suffit à lâcher la bride à des déchiffrements foisonnants. Il suggère assez et assez peu pour que face aux images, je me mette immédiatement à chercher et à trouver – encore et encore – tout un jeu d’oppositions entre ces deux séries à la charnière d’un arrachent : aux rondeurs enfantines de Maël répondent la sévérité du béton et de l’acier; aux cadrages intimes, à taille humaine, les vastes plans de rues désertes ; à la trépidation facétieuse des corps, l’obstination silencieuse des façades  ; à la tiédeur bleutée des sous-bois français , le sable rouge du désert saoudien ; à la complicité érotique avec Marie-Martine, quelques autoportraits rigides dans une garçonnière fonctionnelle. Ça semble trop facile pour être vrai, et pourtant la tristesse de Thierry crève l’image. Il porte sur tout un regard lourd de manque. Les lieux sans amour se confondent. Les êtres aimés de Thierry lui ont brûlé la rétine et hantent sa nouvelle vie à contrecœur. Impossible de tourner la page. Impossible de charger une pellicule vierge.” – Matthieu Millou