42 rue du ruisseau

Dans un appartement, les fenêtres ont été soigneusement obturées. Le jour ne pénètre plus. Un minuscule trou dans le rideau noir laisse passer un seul faisceau de lumière : le dehors entre, inversé, fragile, projeté sur les murs, les draps, les corps. Le lieu devient chambre noire, espace d’écoute et de dérèglement du regard. Le projet naît du désir d’explorer l’intangible — la trace, le souvenir, l’éphémère — et de poursuivre une recherche autour de la perception et du temps. Ici, le réel s’invite sans filtre, mais se transforme. Les images du monde apparaissent lentement, tremblées, mouvantes. Un passant devient apparition, une voiture au plafond se fait personnage. Le temps se dilate, les sons s’épaississent, l’ennui s’installe et ouvre une brèche, celle du peu, du presque rien. Dans cette obscurité habitée, il ne s’agit plus de capturer une image, mais de la laisser advenir. La lumière devient matière poétique, la lenteur une forme d’attention. Chaque instant suspendu révèle la fragilité du visible et l’étrangeté du familier. Le livre restitue cette expérience à travers un ensemble d’images et de fragments narratifs écrits à quatre mains. Des photographies argentiques prises dans la Camera Obscura et d’autres en négatifs obtenues en apposant du papier photosensible directement sur les murs de l’appartement. Il propose une expérience sensible, une nouvelle manière d’habiter le vide, de regarder autrement, d’accueillir l’éphémère.