Back to the Bone
Back to the Bone
"L’air est connu, Assault on Precinct 13 : la revanche des minorités
ethniques. The Fog : Contre l’Amérique qui refoule son Histoire honteuse. New
York 1997 : Contre l’Amérique sécuritaire. Halloween : Contre l’Amérique des
banlieues bigotes. They Live : Contre l’Amérique reaganienne. The Thing : Contre
l’Amérique paranoïaque des années guerre froide et SIDA… Tout cela est juste,
irréfutable, et Carpenter lui-même a encouragé ces lectures, surjouant parfois
le rôle de l’insurgé en son propre pays au moment de la promotion de ses films,
tant il avait compris que cette posture critique valait pour nous
laissez-passer. Mais en réduisant ainsi ses films à de simples fables politiques
sans les mettre en regard de leur point aveugle (n’y-a-t-il pas un autre Mal que
les maux sociétaux ?), on manque ce qui constitue, je crois, le cœur battant de
ses films, et ce qui fonde leur profonde originalité à l’intérieur de
l’écosystème hollywoodien des années 1970 et 1980, et en particulier du cinéma
dit « d’horreur » dont il fut idéologiquement à contre-courant. Car quoi qu’on
pense, quoi que Carpenter lui-même en dise, sa croyance en l’existence d’un Mal
à l’état pur appartient à un imaginaire religieux, puritain même, à priori
incompatible avec l’image de cinéaste agnostique qu’il s’agissait de fabriquer
au moment de son retour en grâce, à partir de la fin des années 1990. Or tout
John Carpenter tient dans cette ambivalence, dans ce conservatisme
critique qu’il faut accepter de prendre en volume, par tous ses côtés en même
temps : l’angle puritain et l’angle métaphysique, l’angle
réactionnaire et l’angle critique, l’angle ontologique et l’angle politique ».
JBT Jean-Baptiste Thoret a commencé son travail d’auteur en consacrant au
cinéaste sa première monographie en 1998 (avec Luc Lagier) : « Mythes et Masques
». 27 ans et quinze livres plus tard, le réalisateur de « We Blew it », figure
incontournable de la cinéphilie contemporaine, revient sur l’un des totems de sa
jeunesse : John Carpenter, une passion fondatrice et une matière toujours
vivante. Comment revoir, en 2025, les films d’un cinéaste qu’on a tant aimé ? Y
découvre-t-on autre chose que ce qu’on y avait déjà vu ? Et si les films
eux-mêmes changeaient à mesure que notre regard change ? Dans cet essai,
l'auteur de "Qu'elle était verte ma Vallée" revient sur l'origine de sa
cinéphilie et arpente la filmographie d’un créateur de mythes intemporel; en
nous invitant à voir et à revoir autrement un cinéaste dont l’héritage n’a pas
fini de rayonner sur l’histoire des formes.
Share

