BKK (Ed. Standard)
BKK (Ed. Standard)
Femme, homme ou serpent, qui que tu sois, raconte-toi. Je recueille les mots,
les gens, les endroits. Fin de l'angoisse à Bangkok, no man's land, aire de
repos, de transit, de trafic. Par charters tout le monde déferle : Blancs,
Rouges, Jaunes, Noirs, pour une nuit, une semaine ou la vie. Le trou du cul du
monde où s'enfoncent cent mille verges. Vive la Thaïlande et la nouvelle
économie sexuelle ! (...) Yan Morvan Yan Morvan propose avec « BKK » une
immersion dans le Bangkok des années 80 ou il a passé cinq mois. L'ambiance et
la substance de cette ville nous sont restituées par les photographies et le
texte écrit in situ par le photographe. Il y révèle l'atmosphère de la ville à
ce moment bien précis. Nous assistons dans « BKK » à la construction d'un
regard, celui d'un jeune photographe plongé en apnée dans un monde qui peut
rapidement vous asphyxier et vous perdre. Pas de misérabilisme, de voyeurisme,
ou de sensationnalisme, ce livre est un témoignage unique, sous hypnose, une
fresque sociale et politique, une sorte de radiographie de l'Asie du Sud-Est et
des dessous de la société industrielle. Ville du plaisir où tout est permis, où
les clients venus du monde entier peuvent assouvir pour quelques bahts leurs
phantasmes sans limite aucune, Yan Morvan nous entraine dans les bas-fonds du
hard discount sexuel, ou l'alcool et autres substances psychotropes font partie
du décor. Il montre des corps abîmés par la prostitution, l'alcool, la drogue et
les grossesses à répétition, la nécessité de ce commerce du sexe pour la survie
d'une famille restée à la campagne, les moments de repos essentiels pour
échapper à un quotidien quasi exclusivement nocturne. Chaque image est dotée
d'une force et d'une douceur, l'effet produit est tout à fait fascinant : nous
sommes aspirés par le tumulte des lumières, la frénésie des clubs ou tout est
mis en oeuvre pour aguicher les clients puis soudain nous plongeons dans le
calme d'une chambre en face à face avec une prostituée. Yan Morvan décrit la
dureté des maquereaux, la turpitude des clients mais aussi leur naïveté parfois,
l'illusion des prostituées qui espèrent se trouver un mari occidental. Pas de
jugement dans le regard du photographe, mais de l'observation avec respect et
probité. À BKK, il gagne la confiance de certaines d'entre elles, ce qui lui
permet de pénétrer dans leur intimité familiale et d'entre apercevoir l'envers
du décor : qui sont ces filles, d'où viennent-elles, pourquoi se
prostituentelles, ou vivent-elles, ou et qui sont leur famille, y-a-t-il une vie
après la prostitution ? Le passage d'un lieu à l'autre (bars, karaokés, saunas,
restaurants, appartements...) permet à Yan Morvan de disséquer un monde à double
visage qui affiche les stigmates de la colonisation occidentale et l'isolement
par la société de ces communautés indispensables à l'économie du pays mais
incompatibles avec l'image de progrès industriel. BKK se veut le reflet de ce
que vivent encore aujourd'hui ces milliers de femmes, les débuts de la
marchandisation de la chair humaine à l'échelle industrielle, le regard n'est ni
sévère, ni complaisant, simplement réaliste.
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