GUILLAUME PUJOLLE. LA PEINTURE, UN LIEU D'ETRE
GUILLAUME PUJOLLE. LA PEINTURE, UN LIEU D'ETRE
Dans Guillaume Pujolle. La peinture, un lieu d’être, Blandine Ponet part sur les
traces de Guillaume Pujolle (1893-1971) qui fut menuisier, douanier, mais aussi
peintre. Il fut interné une grande partie de sa vie à l’asile de Braqueville, à
Toulouse ; c’est de ce lieu qu’est partie Blandine Ponet, où elle-même travaille
comme infirmière en psychiatrie. De là, elle tire les fils de la complexe
destinée de l’artiste, ce qui l’entraîne aussi à se pencher sur l’histoire de la
psychiatrie, du surréalisme, de l’art brut ou de la dévastatrice première guerre
mondiale. Telle est sa manière de lutter contre « l’oubli, l’immobilisme,
l’absence d’histoire, l’ordre et la routine ». Retrouver quelques noms, quelques
dates, quelques faits qui composent une inextricable pelote de passé, cela sauve
du vertige face à un « monde illisible ». C’est, pour Blandine Ponet, un premier
pas pour appréhender l’art déroutant de Guillaume Pujolle, pour parvenir à
regarder ses peintures dans toute leur violence acérée et colorée : « La forme
et le chemin qui y mène, dit Paul Klee. Apprivoiser les peintures de Pujolle,
construire son propre regard et sa manière de les voir et les comprendre.
Apprivoiser ce qu’elles contiennent et transmettent de folie et de douleur pour
pouvoir les regarder enfin. » Retracer l’histoire du peintre et de son œuvre,
c’est apprendre à voir de manière plus juste, plus vibrante. Blandine Ponet
cherche ainsi à remonter aux premiers événements qui témoignent d’une
reconnaissance naissante de l’artiste. Lorsqu’une exposition d’œuvres de malades
est organisée en 1946 à l’hôpital Sainte-Anne par le docteur Gaston Ferdière,
qui s’occupait également d’Antonin Artaud, on pouvait voir, entre autres, La
mort du vieux Boers de Guillaume Pujolle. L’année suivante, à l’occasion de
l’exposition Le surréalisme en 1947 à la galerie Maeght, on pouvait voir un
étrange revolver fabriqué par Guillaume Pujolle. Dans son récit, Blandine Ponet
rend également tout leur intensité à des fragments de l’histoire d’un siècle, en
évoquant le choc qu’a pu constituer la première guerre pour Guillaume Pujolle,
qui fut mobilisé les quatre années qu’elle dura. Choc que l’on peut pressentir
dans plusieurs de ses peintures, notamment dans sa série de bateaux : « Sauf un
ou deux qui ne sont pas nommés, ils portent pour la plupart des noms précis qui
reviennent : Lutetia, Provence, Normandie, Sirocco. […] Le Provence était un
paquebot transatlantique qui fut lancé en 1906. Converti en croiseur, il sert
aussi au transport des troupes vers les Dardanelles en janvier 1915. Quant au
Lutetia, c’était un croiseur auxiliaire qui fut également affecté au transport
des troupes à Salonique de 1915 à 1917. » Guillaume Pujolle lui-même passa deux
années à Salonique durant la guerre, dont il se souvient sans doute en peignant
ces flots « impétueux et foisonnants ». Regarder avec attention les peintures de
Guillaume Pujolle revient alors à tirer de l’oubli leur puissance plastique
saisissante autant que la violence des tourments du siècle dernier.
Share
