La forme-cinéma
La forme-cinéma
Les films ne sont pas tous du cinéma. Ce livre élabore une pensée de l’image
comme fait technique et non image mentale. Dialoguant avec Gilles Deleuze,
Jean-Luc Nancy, Jacques Rancière, Giorgio Agamben, l’auteur revient sur la
capacité du cinéma à faire époque de manière inédite. Comment penser cinéma et
perception aujourd’hui ? S’inscrivant dans la perspective de la pensée de Bruno
Latour, l’auteur montre que les appareils d’enregistrement issus de l’industrie
contiennent en eux-mêmes une forme de sensibilité particulière, qui dérange la
nôtre, pour peu qu’on les laisse tourner et qu’on soit attentifs à leurs
possibles. Loin d’être enthousiasmé ou saisi par la magie d’une vision, le
cinéma lorsqu’il déploie ses possibilités nous rend passibles d’une nouvelle
perception des espaces et des lieux. Quelque chose s’impose à nous. Quand les
appareils d’enregistrement sont laissés à eux-mêmes, quand ils opèrent selon
leur propre puissance d’affect, la forme-cinéma advient, tranchant avec nos
impressions habituelles. Le cinéma n’a pas pour objet le divertissement, mais la
capacité des appareils à laisser émerger l’insignifiant et l’inintentionnel.
Anti-idéologique, le film se défait de toute visée et de l’émission d’un
message. Elle n’est pas du ressort de l’action, et témoigne du fait que les
caméras ont une capacité de gestation. Source de sentiment, délié de la logique
des liaisons temporelles et spatiales, l’enregistrement du film élabore les
formes qui habitent le monde, rendant manifestes les formes de l’urbanité
contemporaine. Grand lecteur de Walter Benjamin, l’auteur analyse la distraction
comme affect fondamental suscité par l’étrangeté des appareils d’enregistrement,
ou cette capacité d’être tiraillé, d’être tiré entre plusieurs lieux, et de
prendre en charge l’expérience du choc. Proche de l’architecture et de la
chirurgie, le cinéma concerne avant tout l’espace, les lieux, davantage que le
temps. S’iI y a un inconscient optique dans notre modernité, l’inconscient
échappe au temps et les appareils d’enregistrement nous permettent d’habiter le
monde.