Le Beau, l'Art Brut et le Marchand
Le Beau, l'Art Brut et le Marchand
Un océan sépare beauté esthétique et originalité absolue. Surgi des profondeurs,
le jamais-vu est associé à des formes troublantes lesquelles, en bouleversant
nos repères, ébranlent également nos certitudes. De l’ordre de l’apparition, cet
inconnu traduit une altérité sans égale, aux antipodes des conventions et des
goûts partagés par le grand nombre. À mesure que la société industrielle
s’étendait en Europe, en parallèle de l’intérêt croissant des avant-gardes pour
les arts primitifs, naïfs et les dessins d’enfants, les productions d’aliénés,
de détenus, d’autodidactes isolés ou de spirites retinrent peu à peu l’attention
de diplômés de la Faculté, auxquels se joignirent quelques fins traducteurs de
l’âme humaine, artistes et poètes. Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale,
le plasticien Jean Dubuffet appela « Art Brut » ces floraisons détonantes. En
les distinguant au sein d’une collection qu’il constitua et enrichit au fil du
temps, il entendait les protéger et à la fois les soustraire à un monde culturel
mimétique, ainsi qu’au marché de l’art. Depuis, l’Art Brut, y compris sous
d’autres appellations, a essaimé sur tous les continents. La famille que
composent ses créateurs déconcertants, voire perturbants et sans lien entre eux,
s’est élargie aux handicapés et aux personnes d’âge. Avec plus ou moins de
réussite, des ateliers créatifs ont ouvert leurs portes à leur intention.
Cousins et alliés s’inspirent de leurs réalisations, y puisent l’énergie
nécessaire à l’affirmation de leur propre voie, quand ils ne subissent pas
bonnement leur influence. Certaines collections privées leur accordent une place
de choix. Des musées acquièrent et exposent leurs travaux, lesquels trouvent
aussi place dans de grands salons internationaux. Plusieurs galeries en Europe
et aux États-Unis en ont fait leur spécialité. C’est à Strasbourg, à
l’intersection des routes, là où La Nef des fous trouva un port d’attache, que
l’une d’entre elles a vu le jour. Au milieu des années 1990, Jean-Pierre
Ritsch-Fisch, son fondateur, a été conduit à fermer l’entreprise familiale de
fourrure. Un retour à ses amours d’adolescence : le monde de l’art et ses
sensations fortes, s’impose à lui. Commence alors sa quête de l’impossible :
dénicher des œuvres d’originaux, de marginaux ou encore de figures historiques
de l’Art Brut, et appliquer dans ses choix la même exigence qu’il s’imposait,
jeune encore, pour sa collection première consacrée à la Figuration narrative.
Puis, il largue les amarres et part à la rencontre des publics européens et
américains. Débutant à la manière d’un conte, s’apparentant ensuite, tantôt à un
roman d’aventures, tantôt à une enquête, Le Beau, L’Art Brut et le Marchand
relate ce périple singulier.
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