Matthieu Laurette : Une Monographie Dérivée (1993-2023)
Matthieu Laurette : Une Monographie Dérivée (1993-2023)
Matthieu Laurette Une Monographie Dérivée 1993-2023 - Première exposition
monographique de Matthieu Laurette dans un musée en France, celle-ci est
l’occasion de revenir sur le travail d’un artiste qui a exposé à plusieurs
reprises dans les espaces de l’institution dans le cadre de projets collectifs.
Cinq œuvres de sa série I AM AN ARTIST sont également présentes au sein de la
collection du musée. Retraçant une trentaine d’années de production artistique,
« Matthieu Laurette : Une rétrospective dérivée (1993 – 2023) » rassemble un
ensemble de pièces de typologies diverses (installations, vidéos, Apparitions,
interventions, sculptures, photographies, contrats, œuvres sur papier…) tout en
élaborant plusieurs « dérives », autrement dit des manières de déjouer et
détourner l’exercice codifié de l’exposition à caractère rétrospectif ; abordant
la rétrospective elle-même comme un produit dérivé. \n \nC’est le début d’une
pratique conceptuelle qui cherchera, dans les années qui suivront, à penser
l’exposition comme médium et les espaces de définition de l’art, les modes
d’énonciation qui permettent de se dire artiste (entre reconnaissance par les
autres et auto-proclamation), et à rendre les frontières entre mondes de l’art
(de la représentation) et monde réel (de l’action) plus poreuses. Matthieu
Laurette est alors déjà profondément marqué par la pensée de Guy Debord telle
que développée dans La Société du Spectacle (1967). Il fera même de cet ouvrage
le matériau de plusieurs œuvres. Refusant le terme de performance, il qualifiera
plus tard sa pratique de Critique Institutionnelle IRL, rajoutant au nom de ce
mode opératoire artistique dont les prémices sont identifiées dès la fin des
années 1960 (Critique Institutionnelle) l’acronyme de l’expression « In Real
Life », employée à l’origine par diverses communautés en ligne pour désigner le
« monde réel » (par opposition au monde virtuel et à la fiction). \n \nPour
rendre possible cette Critique Institutionnelle IRL, Matthieu Laurette met en
place un ensemble de modes d’actions et stratégies : infiltration,
appropriation, détournement, neutralisation. Il emploie tous les canaux de
circulation de l’information visuelle (imprimé, télévisuel, internet, réseaux
sociaux…), développant une esthétique qui se nourrit de la publicité et de la
presse (comme le fait le Pop Art), pervertissant la froideur clinique et
administrative associée à l’art conceptuel. Dans les années 90, il produit un
corpus d’œuvres autour des Produits Remboursés : il s’agit de retourner les
opérations marketings (« Premier achat remboursé » ; « satisfaits ou
remboursés » ; etc…) visant à la vente de produits de consommation en grande
surface contre elles-mêmes, afin de vivre « remboursé » ou, autrement dit,
gratuitement. Matthieu Laurette, sur la base de ce geste, fera le buzz (comme on
dira plus tard) : il passe à la télévision, fait la couverture de magazines,
publie un site internet, et part en tournée dans plusieurs villes de France avec
son camion-vitrine et ses conférences « Comment manger remboursé ? » pour
initier les publics à ce véritable mode de vie. A partir des Produits
remboursés, son œuvre, à la fois dans ses modes de communication et son contenu,
devient intrinsèquement politique. \n \nPour revenir sur ces trente années de
production artistique, « Matthieu Laurette : une rétrospective dérivée (1993 –
2023) » a été pensée non pas comme un récit chronologique linéaire mais, comme
son titre l’indique, une dérive, dans toute sa polysémie. Celle-ci est à la fois
spatiale et temporelle : dans les hauteurs de l’espace de la rétrospective, des
affichages publicitaires suspendues contiennent des images d’expositions de
Matthieu Laurette, à la fois photos souvenirs et archives de la pratique de
l’artiste, elles servent de point d’ancrage à la rétrospective, cherchant à
resituer les contextes dans lesquels l’artiste a opéré et auxquels ses œuvres
sont intimement liées. Aussi, quatre œuvres précédemment montrées au MAC VAL
seront installées exactement à leur emplacement d’origine. Ces « remakes »
seront parfois sources de conflits avec la scénographie de l’exposition
précédente (conservée pour la rétrospective) voire entre différentes œuvres. Ils
sont aussi l’occasion d’inviter d’autres artistes au sein de l’exposition,
voisin.es passé.es des œuvres de Matthieu Laurette dans d’autres lieux. En cela,
la rétrospective n’est pas seulement conçue comme une rétrospective d’œuvres
mais une rétrospective d’expositions (où les gestes de mises en rapport d’œuvres
de commissaires de projets ayant inclus Matthieu Laurette sont rejoués, à des
degrés différents).
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