Pourquoi les fleurs
Pourquoi les fleurs
Les fleurs nous sont si familières que nous ne croyons pas nécessaire de nous
interroger sur leur histoire. Saurions-nous cependant dire pourquoi elles ont
une telle présence dans nos vies quotidiennes et dans les arts, et pourquoi nous
leur accordons une telle importance ? Avons-nous idée de l'adaptation biologique
que cette persévérance leur a demandée, connaissons-nous les épreuves qu'elles
ont traversées dans nos ordres politiques, économiques et religieux pour
persister si durablement ? Pouvons-nous retrouver avec elles la mémoire de nos
constructions culturelles, celles dont nous les avons constamment rendues
dépositaires ? Dans l'aventure de ces questions, la Rome antique et l'Italie se
révèlent être le grand territoire des transmissions florales. De ce fait, cette
histoire s'entremêle peu à peu au devenir de l'Europe - la France, les Flandres,
l'Espagne, l'Allemagne, l'Angleterre. Dans les jardins, les rituels, les
croyances, les régimes de pouvoirs, dans la peinture, la poésie, et bien plus
tard dans le cinéma, les fleurs tiennent une place faussement insignifiante. Dès
lors qu'on porte sur elles toute notre attention, on se met peu à peu à retracer
une longue métamorphose sensible des formes et du regard. Au cours d'un voyage
en Italie, de l'Antiquité à la période la plus contemporaine, on les voit
composer nos paysages réels et imaginaires, comme autant d'énigmes sur les temps
et les espaces que nous occupons, transformons et inventons. Les fleurs
apparaissent soudain en ce qu'elles sont pour nous : les miniatures de nos
intentions les plus fragiles et les plus ambitieuses, d'une offrande funéraire
pour la femme aimée il y a deux mille ans, à l'établissement impérieux de nos
religions et de nos idéologies.
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