Son oeil dans ma main
Son oeil dans ma main
1961 Alger - Entre le printemps et l’automne de cette année charnière, Raymond
Depardon, jeune reporter de 19 ans à l’agence de presse Dalmas, est envoyé à
plusieurs reprises en Algérie. Lors de ses séjours dans la capitale, il saisit
des scènes de la vie quotidienne, montrant deux mondes où se côtoient «
Musulmans » et Européens d’Algérie, et capte la tension qui monte dans une ville
où la présence de l’Organisation de l’armée secrète (OAS) se fait de plus en
plus menaçante. Évian - Le premier round des négociations entre la France et les
représentants du Front de libération nationale (FLN) pour mettre fin à la guerre
d’Algérie a lieu à Évian, du 20 mai au 13 juin 1961. L’un des rares journalistes
français à être accrédités auprès de la délégation algérienne, dans la villa du
Bois d’Avault, au bord du Lac Léman (côté Suisse), le jeune Depardon saisit les
« temps morts » qui lui sont si chers. L’Oranie - Durant les négociations, il
fait partie d’un voyage de presse organisé en Oranie, pour y mener un reportage
à Magra et Oued El Kheir (région natale de Kamel Daoud) où se trouve un «
village coopérative ». 2019 Toujours en noir et blanc, Raymond Depardon
photographie Alger, alors que la ville bat au rythme du Hirak, vaste mouvement
de protestation entamé en février 2019. Puis il rejoint Oran par train, où,
durant cinq jours, il retrouve Kamel Daoud pour de longues déambulations dans la
ville. Ce qui frappe lorsqu’on observe ces photographies de 2019 :
l’omniprésence des femmes, voilées ou pas, dans l’espace public. Nul mieux que
Raymond Depardon n’a su capter cette évidence. Kamel Daoud, de son côté,
imprégné des photographies des deux périodes, a écrit quatre textes très
différents : trois pour 1961, un pour 2019. Ce sont des créations libres,
s’emparant de l’histoire algéro-française avec le lyrisme, la fougue et l’audace
propres au chroniqueur et écrivain algérien. Le livre est par ailleurs zébré de
« comètes », textes courts – haïkus, visions –, fulgurances ricochant sur une
photo grâce au graphisme « accoustique », épuré et élégant de Lili Fleury :
elles vibrent, se répercutent, résonnent comme des lignes musicales.
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